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Le croyant ne mange pas à la carte

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Le croyant ne mange pas à la carte !

Présentation

Cela fait longtemps que l’on me pose les mêmes questions sur l’intérêt de la religion, sur la foi, sur la définition du croyant cathare et sur les rapports entre les religions. Cela donne parfois motif à débats enflammés et à ruptures durables.

Mais il est très difficile d’expliquer à des personnes qui n’ont pas eu l’expérience de la foi intime, ce que cela recouvre. Je prends souvent l’image de l’adolescent et de l’adulte pour tenter de l’expliquer : le premier croit savoir ce qu’est la vie d’adulte et le second sait qu’il n’en est rien, mais il n’a pas les moyens de le faire comprendre au premier.
De même, dire à quelqu’un qu’il est sympathisant quand il se pense croyant ou qu’il est croyant alors qu’il se pose des questions et doute, est un exercice difficile et peut s’avérer source de conflit.

À la façon des orateurs médiévaux et même du premier siècle, je vais utiliser le principe de la parabole pour que chacun puisse mieux visualiser ce que souhaite vous faire passer comme message.

Choisir sa table

Imaginons deux personnes désirant manger dans un restaurant un peu particulier. En effet, ce restaurant propose, comme ses confrères, de manger à la carte ou au menu. Première particularité : si vous mangez à la carte, ce sera en mélangeant des mets qui figurent sur des menus différents, et si vous choisissez un menu vous ne pourrez refuser ou modifier aucun des mets qui y figurent. La seconde particularité est que si vous mangez selon les règles d’un menu, vous occuperez une place dans la salle et à la table du menu choisi, alors que si vous choisissez la carte, vous devrez vous asseoir à une table où ne se trouvent que des personnes comme vous. Et ce, même si votre choix de mets ne diffère d’un des menus que sur un seul plat.

L’avantage de la carte, que beaucoup se voient déjà choisir, est que l’on peut manger ce que l’on veut et rejeter ce que l’on ne veut pas. De ce choix peut découler un repas nourrissant et équilibré ou, au contraire, un repas mauvais pour votre santé, c’est-à-dire pour le salut de votre intestin. L’inconvénient est que vous ne pourrez pas vous intégrer à ceux qui auront choisi un menu, même si cela correspond à vos aspirations.

L’avantage du menu est que vous êtes assuré, si vous le suivez scrupuleusement, qu’il vous apportera une alimentation saine et équilibrée tout à fait utile à votre santé. En outre, vous serez à table avec des personnes qui partagent toutes vos aspirations et vos convictions. Vous serez entouré de convives qui, bien qu’installés à d’autres tables, car leur menu diffère plus ou moins du vôtre, pourront partager avec vous sur certains points et débattre éventuellement sur des sujets où vous différez, comme le choix de certains plats, la disposition des couverts, la façon de se tenir à table, etc.

Choisir la carte ou le menu ?

Certes, nous l’avons dit, choisir la carte semble le choix le plus évident : on met dans son assiette uniquement ce qui nous convient ou nous demande le moins d’efforts et ainsi on est assuré que tout le repas se déroulera de façon assez agréable. Mais le but du repas est de manger correctement, pas de se faire plaisir. Il ne faut pas confondre les activités. Et c’est d’ailleurs le problème principal de notre époque où l’on tente de nous faire croire qu’une activité sans plaisir est mauvaise et que le plaisir est la base de nos nécessités. Il vaut mieux manger bien, quitte à consommer certains mets moins faciles à manger ou d’un goût moins agréable que d’autres et être certain de la qualité de notre alimentation, que de n’ingérer que ce qui fait plaisir et de risquer l’indigestion ou une maladie sur le long terme.
Par contre, la carte nous astreint à manger séparé de ceux dont nous pensions être proche, mais qui eux ont choisi un menu. Menu qui nous plaît aussi globalement, mais dont nous voulions rejeter certains plats qui ne nous permettent pas d’affirmer notre droit au plaisir. Cette séparation, maintenant qu’elle apparaît clairement, nous met mal à l’aise, voire nous insupporte et, au lieu de nous interroger sur les motifs de nos choix, nous considérons que la faute en revient aux autres et nous fustigeons ceux qui mangent ainsi à l’écart de nous et nous mettent le doigt sur nos différences.
Il suffirait donc de choisir le menu, mais il impose des contraintes qui peuvent nous poser problème. Déjà, chaque menu nous conduit à choisir une table spécifique et pas une autre. Certes, les menus chrétiens nous placent à des tables proches les unes des autres, car les différences peuvent être très faibles parfois : la table cathare et la table gnostique ont certes une nappe et des couverts différents, mais c’est à peu près tout, même si à la table gnostique on peut éventuellement refuser un convive s’il se prénomme Paul.

Parfois, les différences sont plus marquées. La table catholique et la table protestante se supportent, mais la table musulmane veut que tous reconnaissent que son installation est la meilleure, ce que contestent la table catholique et la table orthodoxe, sans parler de la table juive où l’on sourit en coin en pensant que ces jeunes trublions ne sont que des avatars manqués de ses propres convives.
De même, les plats peuvent fortement différer d’une table à l’autre. Ces plats sont d’ailleurs parfois l’objet de polémiques violentes : l’homosexualité est absente de presque toutes les tables, la planification des naissances, l’avortement, la PMA, le mariage des ministres du Culte, etc. Ce sont d’ailleurs souvent ces points qui ont poussé d’autres convives à choisir la carte.

Les convives

Ceux qui veulent un menu précis et qui mangent à la même table

Pour ceux-là, les choses sont claires ; ils acceptent de manger tous les plats de leur menu et ils sont en harmonie avec les autres convives de la même table. Il peut arriver qu’ils jettent parfois un œil sur les tables adjacentes ou plus éloignées et s’étonnent ou raillent les choix d’organisation de ces autres tables ou les plats de leur menu.
Mais ils savent que le respect de leur menu les conduira à un repas de qualité qui, sauf accident ou changement de cap, leur assurera le salut de leur santé future.
Ils peuvent être un peu tristes de voir au loin, dans l’autre salle, des amis qu’ils croyaient proches d’eux manger à la carte faute d’avoir pu comprendre l’intérêt du menu qu’ils ont choisi.
Pour manger ainsi il faut être au courant de ce qu’implique ce menu et l’avoir suffisamment étudié et comparé pour être certain de ne pas faire d’erreur.

Ceux qui veulent manger à la table d’un menu en le modifiant

Ces amis justement auraient bien voulu manger à leur table, mais certains plats leur semblaient trop indigestes ou trop contraignants et ils ont finalement opté pour la carte, faute de pouvoir modifier le menu. Ils sont donc insatisfaits globalement, même si leurs choix les contentent sur le moment. Ils se doutent que s’en tenir à un menu doit offrir quelque chose d’important qu’ils ne peuvent saisir et dont ils ont peur que cela leur fasse défaut à terme. Alors, soit ils sont moroses, soit ils deviennent vindicatifs. Moroses, ils vont perdre un peu du plaisir qu’ils auraient dû éprouver en consommant ces mets choisis sur mesure et ils vont profiter de toutes les occasions pour se lever de table et passer à proximité de la table réservée au menu qu’ils ont finalement refusé. Vindicatifs, ils vont exprimer haut et fort leur indépendance et critiquer ceux qui les ont rejetés, ce qui est à leurs yeux une forme de mépris et d’extrémisme.
En fait, ces convives sont tiraillés par leurs envies et refusent cependant d’être à l’écart, car l’isolement les inquiète.

Ceux qui ne veulent pas de menu et qui préfèrent la carte

Mais à leur table se trouvent des personnes qui ont délibérément choisi de ne se nourrir qu’à la carte. Tout simplement parce qu’ils considèrent que la qualité nutritionnelle des menus est une fable et que leur organisme peut supporter tout ce que leur plaisir leur commandera de manger. Que ces personnes croient à une règle nutritionnelle judicieuse sans savoir l’identifier dans les menus proposés, parce qu’ils n’ont pas encore la connaissance nécessaire, ou qu’ils ne croient à aucune règle nutritionnelle et considèrent même cette croyance comme avilissante pour le libre arbitre de chacun, chacun est là pour une bonne raison. Ils l’acceptent volontiers et s’ils regardent les tables des menus, c’est davantage pour en rire ou pour plaindre ceux qui s’imposent de telles contraintes que par envie.
Pour autant, ils choisissent dans la carte des plats qui figurent dans certains menus, ce qui amoindrit un peu leur sensation d’indépendance.

La qualité du repas

Exprimer un point de vue sur la qualité du repas est un exercice difficile. En effet, ayant fait le choix d’un menu, j’ai logiquement tendance à être convaincu de l’importance de la qualité du repas et de préférer le mien à celui des autres.

Essayons néanmoins d’être pragmatiques dans notre réflexion.
De deux choses l’une : soit la qualité des repas n’aura aucune incidence sur l’état futur de notre santé et pour le salut de notre bien-être, soit il est essentiel d’avoir des repas équilibrés et de qualité pour espérer sauver notre peau.
Dans le premier cas de figure, où l’on s’installe et quoi que l’on mange, notre santé n’a pas à en souffrir. Du coup, ceux qui mangent à la carte n’ont rien à redouter et les menus non plus en fait. Certes, les cartes vont se moquer de leurs efforts et contraintes finalement inutiles. Mais ce qui compte c’est d’être en bonne santé.
Dans le second cas de figure, ceux qui mangent à la carte vont au-devant de gros ennuis et quand ils finiront par s’en rendre compte et par l’admettre, ils devront suivre un traitement et un régime draconiens pour espérer rejoindre l’état de santé des autres ; s’il est encore temps de la faire. Ceux qui auront choisi un menu, pour autant que le cœur du menu — c’est-à-dire l’équilibre alimentaire — y soit respecté, auront de bien meilleures chances d’être en bonne santé et de se sauver.

Cela correspond à la discussion que je peux avoir avec des personnes qui ne comprennent pas mes choix spirituels et qui voudraient les moquer, mais craignent mes arguments. Pour ma part, je me contente de leur expliquer que mes choix sont strictement pragmatiques. En effet, ayant choisi la voie que m’indique ma foi et le comportement qu’approuve ma morale, je n’ai que deux issues possibles :

  • soit je me trompe et il n’y a rien après la mort, auquel cas je n’aurais rien perdu puisque j’aurais vécu en accord avec mon point de vue ;
  • soit il y a bien un au-delà de la mort, auquel cas je serai satisfait d’avoir suivi ma voie.

Pour mon interlocuteur qui fait le choix de ne pas avoir la foi, il y aussi deux hypothèses :

  • soit il n’y a rien après la mort et il n’aura rien perdu non plus ;
  • soit si son comportement n’a visé qu’à satisfaire ses pulsions et qu’il y a un au-delà, il court le risque d’en supporter les conséquences.

Au final, je me trouve plutôt bien avisé d’agir comme je le fais, surtout que ce qui est vécu comme une contrainte par les autres n’en est pas une pour moi.

Conclusion

Comme dans toute parabole, il convient de proposer une courte analyse afin d’expliquer clairement les choses à celles et ceux qui hésiteraient encore sur l’interprétation à donner à ce texte.
Quand on est croyant, on accepte la doctrine de sa foi sans réserve. Si l’on veut commencer par arranger le menu à sa guise on n’est plus croyant, mais au mieux sympathisant.

Le croyant ne mange pas à la carte !

Certes, beaucoup de personnes, qui ont perdu le sens de ce que croyant veut dire, se pensent croyantes et laissent leur mondanité et leur sensualité dicter des choix qui, de fait, les remettent hors de la foi à laquelle elles prétendent appartenir. On voit notamment cela dans le catholicisme où les croyants critiquent le célibat des prêtres, le rejet de la contraception et de l’avortement, la PMA et que sais-je encore. Il est tout à fait légitime d’être choqué par certains choix de l’Église catholique ; la seule voie honnête est alors de s’en séparer au lieu de vouloir imposer ses choix.

Concernant le catharisme, c’est la même chose. Nous avons maintenant une idée précise de ce qu’est la doctrine cathare. Soit on la fait sienne et l’on est croyant, soit on voudrait en modifier certains points et on n’est, au mieux que sympathisant.

Enfin, cessons de nous focaliser sur des points secondaires. L’habitude du judéo-christianisme est de nous faire croire que tout est doctrine. C’est faux ! La doctrine est l’ensemble des points qui définissent l’attitude du croyant en vue de son salut. La cosmogonie n’est pas doctrine ; c’est tout au mieux une tentative de compréhension ou d’explication fortement limitée par les capacités de notre cerveau mondain à se projeter dans un espace qui lui sera à tout jamais totalement étranger et inaccessible.

Cependant, la cosmogonie ne peut s’opposer à certains éléments doctrinaux fondamentaux, sous peine de nullité de la doctrine et, par nécessité, de la religion elle-même. Selon les religions concernées, peu importe que l’on pense que Dieu est créateur de l’univers ou pas, que Jésus a vécu en homme ou pas, que Marie fut vierge et mère ou pas. Ce qui compte, c’est que l’on suive la doctrine de façon à pouvoir accéder au salut. Et si l’on ne peut se fixer sur une foi, cette doctrine qui est généralement à peu près la même dans toutes les religions, peut s’appliquer globalement hors de la religion et elle devient alors une morale de vie, ce qui permet à un athée de vivre aussi bien qu’un croyant.

Pour le catharisme, la cosmologie ne peut faire de Dieu le créateur d’un monde imparfait ou de Jésus un être humain volontairement déchu de son état spirituel. Mais outre le minimum cosmologique cohérent avec la doctrine, ce que le catharisme nous rappelle, comme le faisait la philosophie grecque, c’est que la doctrine seule est insuffisante ; il faut vivre au quotidien en accord avec sa doctrine si l’on veut avancer sur deux jambes et non boiter bas.

Fort de cette réflexion, je vous invite à vous interroger sereinement et en toute conscience, puis à vous comporter en accord avec le résultat de votre propre réflexion.

Guilhem de Carcassonne.

Les trois mondes

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Les trois mondes

Le démontrable et le reste

Nous sommes habitués à définir les choses selon deux critères : ce qui est scientifiquement démontrable et ce qui ne l’est pas. Les progrès de la science poussent les athées à considérer que ce qui ne l’est pas le sera un jour, ce qui leur évite de s’interroger sur les raisons qui rendent certains phénomènes indémontrables. C’est un peu la même démarche que l’on retrouve chez les religieux dogmatiques qui, face à des phénomènes incompréhensibles dans leur conception de la divinité, se content de déclarer que les desseins de Dieu sont impénétrables.

En fait, ces deux visions interdisent finalement aux hommes, croyants ou athées, de chercher à comprendre et d’avancer dans leurs recherches. Pour les cathares, l’acquisition du savoir et son analyse fine sont à la base de la justification de leur croyance qui se transformera à terme en connaissance, porte d’accès à l’éveil. Mais, si ce qui est démontrable est facile à définir, il n’en va pas de même pour ce qui n’est pas démontrable : existence de Dieu, capacités supra-sensorielles, etc.

La théorie des trois mondes

Une question que l’on me pose souvent, et que je me suis également posée, est de savoir distinguer ce qui relève de la création mondaine maléfique de ce qui relève de l’empyrée divin en ce monde sensible. D’autant que dans ce monde certaines personnes ou certains phénomènes semblent pouvoir accéder à une dimension non sensorielle.

C’est pour expliquer cela que j’ai élaboré la théorie des trois mondes.

Imaginons trois mondes : un sensoriel et visible, que nous côtoyons au quotidien, un spirituel et éternel, que nous essayons d’imaginer sans tomber dans l’anthropomorphisme et un situé entre les deux. Ces trois mondes seraient séparés par l’équivalent de membranes perméable, pour l’une, qui permet des échanges réciproques, comparable à celle que l’on trouve dans une « bobine » de rein artificiel et une semi-étanche unidirectionnelle que l’on pourrait comparer à celle posée sur la surface d’une maison, afin de permettre la sortie de l’air en empêchant la pénétration de l’eau.

Mais ces trois mondes sont difficiles à délimiter. Il peut y avoir du Mal dans le monde sensible, qui est son domaine d’excellence, mais aussi dans le monde intermédiaire et il peut y avoir du Bien dans le monde intermédiaire et, plus rarement, dans le monde sensible.

Pour évoquer ce sujet difficile il faut d’abord définir ce que sont le bien et le mal, car cela est différent de l’idée communément admise. Le bien est la manifestation sensible — et non pas simplement spirituelle — de l’action de la Bienveillance divine. Le mal, au contraire, est tout ce qui vient perturber, atténuer ou abolir cette action, manifestant ainsi l’action du Mal. Pour définir si une action relève du Bien il faut donc s’interroger pour vérifier si cette action ne peut être l’occasion d’un mal ici ou ailleurs. Les exemples pullulent où le bien pour les uns est en fait un mal pour les autres. Dans le monde sensible cela est assez facile à appréhender, mais dans le monde extrasensoriel c’est bien plus difficile. Or, justement, c’est dans ce domaine mal connu et peu accessible à la plupart d’entre-nous, que la frontière entre le bien et le mal est la plus difficile à estimer. Ce qui est clair, est qua dans un monde où le Mal domine largement, l’expression du Bien est extrêmement limitée et qu’il suffit d’un rien pour qu’un bien apparent ne soit en fait un mal. Cela est souvent refusé car, considéré comme trop restrictif, ce qui fait dire des cathares qu’ils sont trop négatifs.

Le monde sensible

Le monde le plus facile à étudier est clairement celui que nous pouvons appréhender par nos cinq sens et que nous pouvons démontrer grâce à la science ou à la philosophie.

Dans le monde sensible tout semble facile à comprendre, mais encore faut-il faire attention à la façon dont on le regarde. En effet, comme le loup revêtu d’une peau de mouton pour tromper le berger, un regard superficiel ou mal habitué peut nous faire prendre une chose pour son contraire. Il y a quelques temps déjà, suite à une de mes publications où j’expliquais que ce monde sensible étant créé par l’envoyé du Mal, qu’on l’appelle le démiurge ou le diable, une dame m’adressa une carte postale représentant un chalet suisse confortablement posé sur une prairie verdoyante. En guise de commentaire, elle m’écrivait que je ne pouvais pas honnêtement prétendre voir dans ce « tableau » une création maligne. Je lui répondis qu’elle regardait mal sa photo. En effet, vue de loin elle paraissait paisible et merveilleuse, mais si l’on zoomait sur la prairie au point de se retrouver à l’échelle des brins d’herbe, les choses étaient très différentes. Ce monde, que nous ignorons le plus souvent, n’est rien d’autre qu’un immense champ de bataille. Que ce soit les végétaux ou les animaux, ce ne sont que combat à mort pour survivre et prendre le dessus sur l’autre. Par émission de produits chimique pour les plantes et pour certains animaux ou par des luttes sanglantes, chacun cherche à se faire la meilleure place et, s’il y parvient, il continue la lutte pour la conserver. Finalement, les hommes qui sont constamment en guerre, ici ou là, paraissent presque pacifiques comparés aux autres espèces animales et végétales. La seule différence notable est que nous luttons ou tuons pour des motivations rarement vitales, voire pour le plaisir.

Il faut dire que le monde sensible est caractérisé par son incapacité à conserver un état d’équilibre qui serait propice à sa stabilité. Comme l’homme qui se déplace ou tente de rester debout de façon statique, son organisme lutte en permanence contre la perte d’équilibre, compensant une fois la chute en avant et tout de suite après la chute en arrière.

Mais il peut arriver que, dans ce monde malin, l’on puisse observer ce qui semble s’apparenter au Bien. Pourtant une analyse sérieuse nous montre clairement que ce bien s’obtient au détriment d’autre chose qui produit du mal, souvent dans des proportions plus importantes que le bien apparent. Il y a des exemples évidents : tel qui gagne le gros lot du Loto® n’y parvient qu’en raison de l’échec d’un grand nombre d’autres dont les mises lui reviennent partiellement, puisque l’État et la Française des Jeux prélèvent leur part ; un vêtement bon marché ne l’est qu’au détriment de personnes dont le travail mal rémunéré permet d’obtenir ce prix attractif, sans parler des désastres écologiques ayant présidé à sa confection. Et pour la nourriture, je ne m’étendrai pas sur la souffrance animale qu’elle nécessite, y compris pour les produits ne nécessitant pas la mise à mort, comme on peut l’observer pour les produits lactés, le miel, etc. Et la production animale, consommant en moyenne 7 fois plus de protéines et bien plus d’eau encore, aggrave la progression de la malnutrition, alors qu’une alimentation végétalienne générale permettrait de nourrir cinq à sept fois plus de population sans risque en matière sanitaire ou de développement.

Désolé de vous avoir dépeint ce monde sous un tel jour, mais la réalité, une fois dévoilée, est rarement attirante.

Le monde spirituel

Comment définir ce monde spirituel dont personne n’est jamais revenu pour nous le décrire, et même comment le nommer sans tomber dans l’anthropomorphisme et ce que je pourrais nommer le géomorphisme[1] par néologisme ? J’utilise souvent le terme d’empyrée divin qui est à peine plus clair que celui de monde spirituel. En fait, il est impossible de désigner ce qui n’a pas de réalité physique que l’on puisse appréhender, car notre imagination n’est pas assez puissante pour ce faire. Non seulement nous ne savons pas le nommer précisément, mais nous ne pouvons le définir et le situer. La raison en est simple, le monde spirituel n’a pas d’aspect physique ni de position dans l’espace et le temps. En fait, il est partout et nulle part ou, plus précisément, il est là où se trouvent ce qui constitue sa raison d’être.

Comme vous le comprenez nous entrons dans le domaine de la cosmogonie qui, en ce qui concerne le catharisme, est assez souple pour autant que sa description ne vienne pas contredire les éléments fondamentaux de la foi cathare.

Nous connaissons la cosmogonie judéo-chrétienne qui propose deux zones : le paradis et l’enfer, avec un cas peu clair appelé le purgatoire. La répartition des âmes fait penser à une sorte de gare de triage où chacun est jugé et dirigé vers le lieu adapté à son cas. Je vous invite à ce propos à lire l’inénarrable Curé de Cucugan[2] dans lequel le bon curé audois, imaginé par Alphonse Daudet, visite le paradis, le purgatoire et l’enfer à la recherche de ses anciens paroissiens. La vision populaire imaginait aussi, au début du christianisme et notamment dans le gnosticisme, un empilement de cieux de verre qui allait du moins pur au plus parfait, avec le christ occupant le septième niveau et Dieu le huitième. Paul de Tarse dit avoir été enlevé au troisième ciel qu’il appelle le paradis. De même les cathares médiévaux imaginaient que christ était descendu de son ciel en cachant sa nature (kénose) pour ne pas alerter les forces du Mal qui occupaient la terre et les premiers cieux.

Je vais donc vous donner ma vision du monde spirituel et en préciser la nature et les contours. D’abord, c’est à la philosophie que je m’en remets pour formaliser intellectuellement ce qui ne peut pas l’être. Le monde spirituel est la façon dont nous pouvons « situer » Dieu et son émanation consubstantielle, l’Esprit unique. Or, nous qui sommes « exilés » en ce monde sensible, sommes également parties du monde spirituel, ce qui montre son extrême laxité. La meilleure façon que j’ai pu trouver pour le représenter est tirée du film Interstellar[3] dans lequel le héros se retrouve dans une dimension qu’il assimile à la gravité et qui lui permet de se déplacer et d’agir sur le monde classique qu’il aperçoit au travers des rayonnages de la bibliothèque de sa fille, sans être limité dans le temps, mais sans pouvoir interagir avec elle directement. De la même façon j’entrevois que l’émanation divine est capable de pénétrer dans notre monde physique, sans pour autant y agir sur les éléments mondains ni en être affectée. Notre part spirituelle, prisonnière de notre corps physique et de notre âme mondaine, est donc à la fois contrainte en ce monde et rattachée au monde spirituel. Bien entendu, le monde spirituel n’a pour seule référence que l’Être, au sens ontologique, lequel ne peut s’exprimer que dans le Bien absolu.

Mais me direz-vous, comment situer le Mal dans tout cela ? Je dirais que l’espace d’expression du Mal est à mes yeux sa création : l’univers et tout ce qu’il contient.

L’autre approche est spirituelle et dépend de notre position vis-à-vis de la foi. Pour ma part, depuis l’adolescence, je n’ai cessé de m’interroger sur ce qui est bien ou mal, sur ce que je faisais dans ce monde, sur les raisons de ma naissance et la justification de ma mort, sur la mission qui pourrait justifier tout cela et sur l’orientation que je souhaitais donner à mes choix de vie en fonction de ma conception de l’au-delà. J’en suis arrivé à la conclusion que la morale devait guider ma vie, morale personnelle sur ma conception de ce qui est bien et de ce qui est mal, morale sociale pour définir et appliquer ma morale personnelle à mes échanges sociaux, morale spirituelle pour guider mes choix en fonction de l’idée que je me fais de Dieu.

Le monde intermédiaire

Nous abordons là la partie la plus difficile de ma réflexion. En effet, alors que nous ne disposons d’informations relativement fiables que sur un seul des deux mondes déjà présentés, comment faire pour délimiter ce monde intermédiaire ?

Tout d’abord, je suis partie du principe que ce monde ne devait pas relever du sensible et du démontrable et qu’il devait se situer un cran en dessous de ma conception du monde spirituel. Ainsi, je vois deux domaines qui pourraient relever de ce monde intermédiaire : celui de l’imagination et du rêve et celui de l’extrasensorialité.

Le premier m’est difficilement accessible, n’ayant pas une imagination débordante et n’ayant aucun souvenir de mes rêves et le second m’est encore plus étranger, n’ayant jamais eu de telles expériences. Mais j’ai côtoyé des personnes qui m’ont relaté leurs propres expériences en ce domaine et je lis régulièrement des ouvrages de personnes dont l’imagination dépasse largement la moyenne habituelle.

Comme je viens de le faire à propos du film cité ci-dessus, l’imagination conduit certains d’entre-nous à envisager des possibles permettant de faire un lien entre notre monde et ce qui pourrait relever d’un autre espace dont les dimensions et les lois physiques sont sans aucun rapport avec le monde sensible. Cette imagination hors-norme est-elle le signe d’une interaction entre le monde physique et le monde spirituel ? Je ne peux l’affirmer à tout coup ; cela dépend des conséquences de cette imagination. Ainsi le monde d’Orwell[4] qui nous est présenté dans 1984, met le Mal en évidence, ce qui me semble incompatible avec une origine spirituelle. Pour autant on ne peut ignorer certaines fulgurances dans l’imagination des auteurs de science-fiction. Ainsi, Matrix[5] est clairement plein de références à l’éveil, même s’il est peu probable que ses auteurs en aient eu conscience du point de vue cathare.

J’ai également connu plusieurs personnes ayant affirmé disposer de compétences extra-sensorielles, notamment de type précognition, qui m’ont interrogé sur la nature de ces dons. Là aussi, il faut se poser la question de savoir si ces dons sont uniquement tournés vers le Bien, ce qui semble peu probable pour différentes raisons : leurs détenteurs se trouvent ainsi favorisés par rapport aux autres, ce qui est incompatible avec la Bienveillance divine et l’Esprit unique, et ces dons peuvent être utilisés à des fins mauvaises selon la nature de leurs détenteurs. Il n’est donc pas possible de les considérer comme émanant du Bien.

Enfin, il y a le concept des réminiscences. Là aussi nombres de personnes m’ont raconté avoir eu la « vision » de leurs vies antérieures, notamment celles où elles étaient des cathares revêtus. Il est clair que cela ne peut venir du Bien, car ces visions cherchent à égarer ceux qui les ressentent en leur faisant croire à une forme de supériorité. En outre, si l’on est un cathare revêtu à une époque, on ne doit pas avoir l’occasion de vivre d’autres vies, sauf à s’être déchu de ce statut.

Ainsi, j’en conclus que ce monde intermédiaire est plus proche du monde physique que du monde spirituel. C’est à mon avis l’action de l’âme mondaine qui crée ce monde afin de mieux nous leurrer, et de nous empêcher de tendre, dans notre emprisonnement en ce monde, vers un cheminement entièrement tourné vers notre retour au Père.

Conclusion

Si j’ai pris le temps de vous faire part de mes réflexions sur ces sujets, c’est au cas où vous auriez eu, vous aussi, l’occasion d’y réfléchir et dans l’intention de vous proposer des pistes de réflexions auxquelles vous n’auriez peut-être pas pensé, mais aussi pour vous rappeler que la doctrine cathare est sans ambages sur l’effacement mémoriel qui précède notre transmigration et sur le fait que le Bien ne peut tolérer la moindre trace d’amoindrissement dans ses effets.

Guilhem de Carcassonne, le 11 juin 2023.


[1] Néologisme créé à partir du préfixe géo (la Terre) pour exprimer l’habitude que nous avons de vouloir comparer des « espaces » qui nous sont inconnus avec des références de notre vie sur Terre.

[2] Le curé de Cucugnan in Lettres de mon moulin, par Alphonse Daudet (1869) d’après un sermon recueilli par Auguste Blanchot de Brenas en 1858.

[3] Interstellar, film de Christopher Nolan (2014) réalisé sur la base de plusieurs films de science-fiction et des travaux du physicien Kip Thorne.

[4] Eric Arthur Blair, dit George Orwell, écrivain et journaliste britannique, né le 25/06/1903 en Inde et mort le 21/01/1950 à Londres, est l’auteur de livres fantastiques et philosophiques comme La ferme des animaux et 1984.

[5] Matrix, film des frères Larry (devenu Lana en 2012) et Andy (devenu Lilly en 2016) Wachowski (1999).

Le cathare dans le monde

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Le cathare dans le monde

L’objectif premier du cathare est de ne plus être du monde, comme cela est dit par Christ d’après les évangiles[1]. Mais, le consolé comme le croyant vit au quotidien dans le monde. Alors, faut-il se tenir à l’écart du monde, pour moins en ressentir les effets, si l’on veut vivre en cathare ? Non, mais il faut acquérir le juste savoir du monde pour que l’intuition, qui est la forme émergée de notre part spirituelle, puisse s’y mêler afin de faire émerger la connaissance qui conduit à l’éveil.

Le savoir du monde

Je pourrais m’en tenir à cette introduction qui contient l’essentiel de ce qu’il faut comprendre, mais pour que vous l’acceptiez en pleine conscience je dois l’analyser plus profondément.
La méconnaissance du monde mène à la répétition des erreurs, comme je l’expliquais déjà dans mon article de 2010, Le marcheur du désert.[2] Une citation de Karl Marx et Friedrich Engels nous le dit également : « Ceux qui ne connaissent pas l’histoire sont condamnés à la revivre »[3]
Il faut donc acquérir un bon savoir de ce qu’est le monde pour, d’une part éviter de refaire les mêmes erreurs qui conduisent souvent aux mêmes résultats, d’autre part pouvoir le décrypter dans sa nature profondément maline et ainsi rechercher notre part spirituelle.
Malheureusement, nous sommes aujourd’hui pleinement pris par le savoir maléfique du monde, tant au point de vue national qu’international, comme le montre une série d’événements auxquels nous sommes confrontés depuis plusieurs mois.

Au point de vue national, les événements du mois dernier sur la loi concernant la retraite montrent que la méconnaissance des règles de notre démocratie et la prégnance égotique nous conduisent à une situation préinsurrectionnelle. Au-delà des motivations des uns et des autres, il ressort de cet épisode que les opposants ne connaissent pas les lois et que ceux qui les connaissent les poussent à agir sans leur dire que c’est impossible.
En effet, un référendum — qu’il soit d’origine présidentielle ou d’initiative partagée — ne peut intervenir pour modifier une loi adoptée qu’à partir d’un an après son adoption. Il est donc illégal d’exiger un référendum sur la loi concernant les retraites avant mars 2024.
Concernant l’usage de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, il est clairement utilisé de façon légale quand le gouvernement considère que l’adoption d’une loi est menacée. Cet article est destiné à éviter le blocage de l’action du Parlement comme cela se passe depuis quelques années avec le dépôt de milliers d’amendement (aucune limite n’existe dans la loi), ce qui conduit l’opposition à en abuser pour empêcher d’étudier la loi dans le délai imparti. Donc s’opposer à l’article 49,3 impose logiquement à empêcher le blocage des débats en limitant fortement le nombre d’amendements.

Bien entendu, cet exemple récent n’est pas le seul marqueur d’un manque de savoir de la population qui lui nuit au quotidien. Cependant, il ressort de cela que la petite partie de la population qui maîtrise le savoir, au lieu d’éduquer les autres, se contente de s’en servir dans son intérêt, y compris si cela peut provoquer une situation nuisible à tous. Que ce soit en 1789 ou en 1968, pour ne conserver que les événements les mieux connus, ce ne sont pas les émeutiers, et encore moins la majorité silencieuse, qui ont profité des troubles gravissimes auxquels ont participé activement des personnes sans savoir, mais les sachants qui les ont utilisés dans l’espoir d’évincer du pouvoir les régnants et de les remplacer. Cela a fonctionné en 1789 et cela a échoué en 1968.

Mais le danger pour notre démocratie ne vient pas que de l’intérieur et là encore nous voyons que l’absence de savoir du monde est fortement délétère et dangereuse pour nos démocraties. En effet, l’Europe est encore une fois à feu et à sang parce qu’un dirigeant autoritaire, qui a confisqué le pouvoir dans son pays, cherche à conquérir un territoire qu’il convoite afin de peser sur la destinée de l’Europe au nom de considérations géopolitiques et historiques tendancieuses et erronées. Si nous avions le savoir historique nécessaire, nous ne manquerions pas de voir dans l’enchaînement des événements une triste répétition déjà vécue dramatiquement il y a 85 ans. En effet, le 12 mars 1938, l’armée allemande aux ordres du parti nazi d’Adolf Hitler annexait l’Autriche par la force militaire (Anschluss), faute d’avoir pu y installer un gouvernement de même obédience. Cela ressemble fortement aux annexions russes en Crimée et au Donbass ukrainiens en 2014. En septembre 1938, sous prétexte de la présence d’habitants de culture germanique dans les monts Sudètes de Tchécoslovaquie, Hitler les annexe au Reich allemand dès l’arrivée à Munich des négociateurs italien (Mussolini), britannique (Chamberlain) et français (Daladier) venus régler pacifiquement ce conflit, les mettant ainsi devant le fait accompli. Cela ressemble fortement aux annexions russes des régions de Transnistrie (Moldavie), d’Ossétie du Sud et d’Abhkasie (Géorgie) et de Tchétchénie, sans parler de l’annexion brutale des régions du Donbass (Donetsk, Louhansk) et de celles de Kherson et Zaporija. Début septembre 1939, sous le prétexte d’agressions soi-disant subies par des germanophones polonais, Hitler envahit ce pays malgré l’accord de non-agression signé cinq ans plus tôt et malgré les promesses faites à Munich un an plus tôt. Dès lors, la France et le Royaume-Uni se virent dans l’obligation de déclarer la guerre à l’Allemagne. Le 14 juin 1940, l’armée allemande entra dans Paris, signant une occupation de quatre ans de notre pays. Comment ne pas voir les terribles similitudes de ces événements, même s’il paraît que « l’Histoire ne repasse pas les plats » comme disait Louis-Ferdinand Destouches, dit Céline ?

Ces explications, aussi détaillées que nécessaire, me permettent de montrer qu’un savoir mauvais ou incomplet met en danger notre sécurité, voire notre vie dans ce monde. Il faut donc se donner la peine d’acquérir ce savoir au lieu de suivre des manipulateurs d’opinion qui sont souvent eux-mêmes dépourvus de ce savoir.

L’intuition individuelle

Si je devais définir une façon dont notre part spirituelle parvient à s’exprimer à notre intellect mondain, c’est sans aucun doute par la voie de l’intuition que je dirais qu’elle le fait.
Qu’est-ce que l’intuition ? Un sentiment confus dont nous ne parvenons pas à définir l’origine ni la méthode d’action. Ce fameux sixième sens est-il lié à notre mondanité ou bien vient-il d’ailleurs ?

Pour autant, toute l’intuition est-elle expression de la part spirituelle ? Je ne le crois pas. Mais aiguiser son intuition permet de favoriser l’expression de la part spirituelle qui, associée au savoir permet de comprendre le monde dans son intimité profonde et ainsi de voir que l’explication qui nous en est généralement donnée est fausse. Ensuite, ainsi aiguisée notre intuition spirituelle pourra rechercher une vérité qui s’approchera sans doute de près de la Vérité.

Mais comment faire pour aiguiser notre intuition individuelle ? Tout d’abord il faut oublier l’idée ridicule selon laquelle on peut faire bien plusieurs choses à la fois. Seuls les ordinateurs sont multitâches. L’homme et la femme doivent se concentrer, s’isoler, pour réfléchir efficacement. Il faut donc prendre le temps de réfléchir sur les problèmes que l’on étudie, ne pas hésiter à parfaire sa documentation, étudier les tenants et aboutissants, rechercher les pièges que nous tend le monde, construire une opinion argumentée à partir de sources vérifiées et croisées pour éviter les manipulations et finir par en tirer une opinion personnelle qu’il faudra ensuite mettre à l’épreuve de la contradiction. Quand on lit Platon, on remarque que la technique rhétorique de Socrate, que l’on appelle la maïeutique, n’est rien d’autre que cela. En partant d’une opinion honnêtement formée chez son interlocuteur, il l’amenait à l’étudier et à la critiquer par lui-même, puisqu’en affirmant ne rien savoir de son côté, il mettait son interlocuteur en demeure de faire tout le travail. Pour l’aider, il lui montrait les conséquences de ses affirmations et ainsi lui permettait de faire le tour de son sujet pour revenir au point initial où sa conclusion était généralement à l’opposé de son affirmation initiale.

Pourquoi cela fonctionne-t-il ? La raison en est simple. Notre intuition intime est le mode d’expression de l’Esprit unique enfermé dans notre corps de chair. Or, l’Esprit unique est l’émanation divine, et comme Dieu est dans la Vérité absolue, il est normal que cela déteigne un peu sur notre intuition. Donc, en abandonnant l’égo qui nous conduit généralement sur le chemin opposé à la Vérité, en ne recherchant ni la domination, ni la réussite en ce monde, nous sommes capables de cheminer vers la Vérité au moyen du véhicule le plus efficace : la Bienveillance.

La connaissance

Le savoir sans l’intuition nous maintient dans l’état animal qui est celui de notre prison de chair. L’intuition sans savoir est une loterie où tout est possible. Mais le savoir combiné à l’intuition crée les conditions d’accès à la connaissance.
Pour autant, disposer de la connaissance ne suffira pas à atteindre l’éveil, car pour cela il faut s’élever au-dessus du monde et donner le pas à l’intuition sur le savoir. En quelque sorte, le savoir est le premier étage de la maison et l’intuition est le deuxième. On ne peut pas se priver ni de l’un ni de l’autre si l’on veut atteindre le grenier où se trouve ce que l’on cherche. Par contre, on risque à tout moment de se décourager et d’abandonner l’ascension pour rester en panne sur l’un des deux paliers, voire régresser jusqu’au rez-de-chaussée.

Le choix des mots est important ; le savoir est ce qu’on acquiert de façon intellectuelle, notamment par l’étude ; l’intuition est un sentiment profond et non une idée fugace qui vous aide éventuellement à faire confiance à une personne ou à choisir les numéros du Loto® ; la connaissance est la révélation de la réalité de ce qui nous entoure dans sa nature réelle. Si le savoir est indispensable, il sans utilité pour aller vers notre salut s’il ne nous conduit pas à la connaissance, ce qui implique d’utiliser l’intuition. Et la connaissance ne peut nous suffire, car elle ne permet que le constat de notre situation. Pour aller plus loin il faut y ajouter la foi. C’est en choisissant à quoi nous sommes prêts à nous abandonner en toute confiance que nous pouvons espérer atteindre le salut, comme le héros du Truman show décide à un moment de ramer vers l’horizon, sans savoir ce qu’il va trouver.

Le cathare en ce monde, qu’il soit consolé ou croyant, peut « lire » dans ce monde comme dans un livre ouvert. Avec un peu d’entraînement, il peut en décrypter les manigances et les pièges et en comprendre les ressorts « survivalistes » aussi ridicules que vains pour mieux choisir la voie de la liberté qui le préparera à quitter ce monde de son vivant et à vivre enfin éternellement.

Guilhem de Carcassonne le 09 avril 2023


[1] « Je ne suis plus dans le monde, mais ils sont dans le monde… » Évangile selon Jean (17, 11).

[2] Le marcheur du désert, site Catharisme d’aujourd’hui.

[3] Karl Marx, Friedrich Engels et al. : Manifeste du parti communiste.

Le monde, la mort, la vie et le cathare

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Le monde, la vie, la mort et le cathare

La philosophie n’est pas un système de raisonnement déconnecté du réel, réservé à une élite auto-proclamée, qui finit par accoucher d’une souris. Au contraire, c’est une façon d’avancer les yeux ouverts, là où beaucoup se mettent la tête dans le sable, afin de répondre aux trois questions existentielles qui agitent l’humanité depuis toujours : D’où viens-je ? Qui suis-je ? Où vais-je finir ?

D’où venons-nous ?

En général, les hommes voient le monde comme un champ d’expérience mit à leur disposition, soit par le fruit du hasard, soit par une divinité plus ou moins bienveillante. Dès lors, l’idée de s’interroger sur sa raison d’être profonde devient caduque et nous nous contentons d’y cheminer tant bien que mal en essayant d’oublier qu’au bout du chemin il y a la mort.
Plus la science progresse dans son savoir, plus nous comprenons que cette vision est égocentrée et, à bien des égards, fausse.
Mais la plupart des religions ne se sont pas dotées de la capacité d’évolution dont bénéficie la science, même si cette dernière a aussi des limites insurmontables.

Les hypothèses de l’origine du monde

La vision anthropomorphique, élaborée à Babylone au 6e siècle avant l’ère commune[1], rend l’approche religieuse puérile et manipulatrice. L’idée d’un Dieu créant un univers en six jours, sous la forme que nous lui connaissons, ne résiste pas aux découvertes scientifiques qui montrent une apparition progressive où des milliards d’années ont été nécessaires, ne laissant à l’homme que le dernier million d’année pour apparaître et se développer. Mais la science est elle-même incapable de proposer une explication démontrable concernant l’origine de cet univers, issu paraît-il d’une masse infiniment petite et infiniment dense qui serait toujours en expansion. Certains en viennent même à refuser d’y réfléchir partant du principe que si le big-bang est le début de l’univers, il ne saurait y avoir un avant big-bang ! Du coup cette masse initiale, apparue à l’origine n’aurait, elle aucune origine ?

Je vous passe les deux interrogations majeures concernant l’Homme. Celle induite par la relation de la Genèse — premier chapitre de la Torah, que nous appelons Pentateuque —, qui propose d’abord une création de l’homme et de la femme ex nihilo, par un Dieu, parfois unique (Yahwé), parfois multiple (Élohim), souvent unitaire au sein groupe multiple (Yahwé Élohim). Au deuxième chapitre, ce Dieu réitère ce qui n’est plus vraiment une création, mais plus un façonnage à partir de la glaise, rendue vivante par un souffle divin. Souffle dont seul l’homme bénéficie, la femme étant cette fois façonnée à partir de la côte de l’homme, même si des chercheurs plus récents préfèrent la traduction à côté et non de la côte. Bien entendu, la recherche scientifique réfute largement et avec toutes les preuves nécessaire cette vision idyllique. Mais la science fait à peine mieux. Si elle nous propose une évolution lente des mammifères, favorisée entre-autre par la disparition des dinosaures, et un développement amélioré, lié notamment à la nécessité vitale d’échapper à un grand nombre de prédateurs, par des avancées physiologiques et techniques qui ont toutes permis une amélioration des conditions de vie de cette espèce, elle fait l’impasse sur un moment décisif qui bat en brèche ce processus naturel. En effet, dans une période, qui pour l’instant ne peut être datée que grossièrement (entre – 40 000 et – 100 000 ans), l’homme, représenté par deux espèces à peu près concomitantes : l’homo-neanderthalensis (-300 000 à – 150 000 ans environ) et l’homo-sapiens (- 300 000 à nos jours environ), va faire une découverte qui, non seulement ne lui apportera aucun bénéfice en termes de survie ou de conditions de vie, mais va au contraire lui compliquer la vie. Cette découverte est celle de la transcendance, c’est-à-dire de l’existence d’une entité suprahumaine qui a tout pouvoir sur l’humanité. Et c’est pour la satisfaire que l’homme va modifier son mode de vie en se basant sur des humains capables de communiquer avec la ou les divinités : les chamanes, inventant des obligations restrictives appelées tabous et des obligations rituelles, les sacrifices. René Girard[2] a bien compris que cette modification est apparue sans doute à l’occasion du regroupement des cellules familiales nucléaires en petites communautés plus efficientes en matière de protection et de production alimentaire et que ces tabous et rituels avaient pour objectif de limiter le risque de conflits mimétiques potentiellement destructeurs pour ces communautés. Mais si le monde animal est lui aussi soumis aux conflits mimétiques et à leurs « remèdes » connus chez l’homme, ce dernier est le seul du genre animal à les avoir étendus à la sphère intellectuelle, voire spirituelle. La question qui se pose alors est de savoir ce qui a changé dans la physiologie ou dans la psychologie humaine qui l’a poussé à mettre cet élément au premier plan, ce que n’ont pas fait les autres animaux.

La compréhension cathare

Pour les cathares les choses sont plus simples. L’univers est la création du Mal, principe éternel strictement contraire à Dieu et totalement dépourvu d’Être, c’est-à-dire de Bien absolu. Désireux d’affirmer sa toute-puissance, il aurait élaboré une création, temporelle et corruptible, dont la durée dans le temps nécessitait un mélange partiel avec l’émanation divine : l’Esprit, consubstantiel au principe du Bien et doté de l’Être. L’homme serait donc ce composé entre une matière animale issue de la création maligne, incluant la chair mais aussi l’âme mondaine qui lui insuffle sa volonté de vivre et son égo, et un composé divin « aspiré » dans l’univers pour lui assurer un peu plus de durabilité. S’agit-il d’un vol, ce qui semblerait surprenant ou d’une projection volontaire destinée à montrer au Mal que sa création est malgré tout sans avenir en raison de sa nature maligne, je ne saurais le dire. La seconde hypothèse aurait le mérite de mettre en avant la Bienveillance absolue de Dieu et l’ignorance atavique du Mal. Cela correspondrait en outre parfaitement à l’image utilisée par les cathares médiévaux d’un principe du Bien, symbolisé par le soleil, étendant ses rayons, symboles de son émanation (l’Être), sur une création vouée à sa fin, comme le soleil réchauffe les planètes sans pouvoir éviter qu’à terme elles se dissoudront dans son expansion.
Les cathares sont donc aptes à accepter les découvertes scientifiques, voire à compléter les « trous » qu’elle y trouve, au moins jusqu’à ce que les scientifiques les comblent par de nouvelles découvertes. D’où vient le big-bang ? Dans quoi l’univers est-il en expansion ? D’où viennent les ténèbres au sein desquelles Yahvé crée la lumière ? Pourquoi deux races d’homo déjà anciennes ont complètement modifié leurs comportements au lieu de suivre une évolution qui leur était favorable jusques là ?

C’est donc l’infusion partielle de l’Esprit dans l’enveloppe matérielle des homo-neanderthalensis et des homo-sapiens qui serait responsable de ce changement de nature profonde de l’animal humain à cette époque.
Mais ce nouveau composé humain va développer, au sein de sa prison charnelle, des interrogations et des concepts dont certains sont clairement dus à sa nature mondaine et d’autres laissent entrevoir sa nature spirituelle.

Qui suis-je ?

C’est une chose de s’entendre dire que nous sommes issus d’un monde composé par une entité maligne dans lequel nous sommes prisonniers d’une enveloppe charnelle et une autre de découvrir que nous ne sommes pas de ce monde, mais d’une autre origine inconnue à ce jour.

Le point de vue judéo-chrétien

Je passe volontairement sur le point de vue athée, puisqu’il recouvre simplement ce que je viens de dire dans le début du chapitre précédent. Cependant, je pense que ce point de vue n’est pas aussi fermement ancré dans l’inconscient des athées qu’ils le croient. En fait, leur « esprit » profond en conduit la plupart à être plus proches de l’état agnostique, c’est-à-dire prêt à accepter une entité supérieure, mais sans pouvoir en imaginer une acceptable. Cela vient, me semble-t-il pour l’essentiel des images que les principales religions renvoient. Ces images très anthropomorphiques conviennent peu à une divinité que l’on voudrait imaginer parfaite en tout et incapable d’avoir la moindre responsabilité dans le mal, directement ou non, ce qui interroge sur son origine.
D’un point de vue judéo-chrétien, nous sommes des descendants d’Adam et d’Ève et notre âme divine nous est donnée à l’instant de la conception. Ce ne fut pas toujours ainsi. Initialement l’Église considérait que l’âme était la marque de l’adoption divine que nous conférait le baptême, mais cela posait le problème des enfants mourant avant le baptême. C’est donc pour le résoudre que les catholiques sont passés de l’adoptianisme au créationnisme. Ainsi, même l’embryon le plus petit dispose d’une âme, ce qui explique l’élément dogmatique de l’interdit de l’interruption volontaire de grossesse et, par extension, de l’interdiction de contrôle des naissances par la contraception. Ce n’est pas à l’homme de décider si une âme doit apparaître ou si une âme en gestation doit disparaître. Même si beaucoup de catholiques notamment semble ne pas comprendre ce point, il est clair que le refus de ces deux interdits vous place ipso facto en dehors de la communauté catholique.
Une fois né, l’être humain est donc voué à profiter de la nature tout en assumant le « karma » de son aïeul Adam dont la faute originelle impose à tous ses descendants d’en baver gravement tout au long de leur vie dans un espoir assez faible d’atteindre le Salut. La difficulté de ce parcours a d’ailleurs obligé l’Église à inventer le purgatoire pour éviter que la majorité des âmes finissent en enfer, car selon le dogme judéo-chrétien nous n’avons droit qu’à un essai sur cette terre. Comment justifier cela de la part d’un Dieu plein d’Amour pour ses créatures, omniscient et omnipotent ? Comment imaginer qu’un être humain issu de ce Dieu parfait ait pu choisir le mal qu’il ne connaissait pas — et dont on se demande comment il a pu apparaître sans la permission divine —, au lieu du bien qui était son fonds naturel ? Enfin, comment imaginer que Dieu puisse tolérer qu’en cas d’échec les hommes soient voués à un enfer éternel, qu’ils aient eu une vie longue ou brève, facile ou difficile, dans un environnement apte à les aider à choisir la bonne voie ou, au contraire, dans un environnement totalement délétère ?
En fait, cette approche est totalement anthropomorphique et n’a rien de divin.

Le point de vue cathare

Dès le début de ce qui allait devenir le christianisme des hommes ont refusé ce schéma dramatique. Paul a commencé par remettre en question la Loi de Yahvé, comme cela apparaît dans les textes, y compris ceux retenus par l’Église de Rome. Après lui, Apollos sans doute, Ménandre, Satornil et Marcion ont remis en cause le caractère de Dieu bon du créateur de ce monde, le démiurge, émettant l’hypothèse que notre origine serait autre.
Les cathares sont les héritiers de ceux qui refusent la vision juive du Dieu de la Torah et des textes annexes aujourd’hui réunis dans l’Ancien Testament. Ils ne se posent pas comme des concurrents des juifs dans l’Amour de Dieu et n’ont de ce fait aucune acrimonie ni aucune accusation à formuler à leur endroit.
Pour eux nous sommes des « extensions » de l’Esprit unique, faussement et en apparence séparées les unes des autres, disposées dans ce monde selon un modèle ségrégationniste (homme, femme, riche, pauvre, puissant, misérable, etc.) et enfermés dans des corps de matière maligne, sous la direction de l’âme mondaine dont l’objet est d’empêcher l’éveil de cette part spirituelle en la maintenant dans l’ignorance de sa nature et de son état au moyen d’outils de sujétions réunis sous le nom de sensualité au sens large ou de perception sensorielle.
Notre part animale, guidée par cette âme mondaine se comporte naturellement comme chez n’importe quel autre animal de cette création. L’instinct nous pousse à vouloir survivre à tout prix, à prendre le pouvoir sur les autres tout en restant dans le groupe protecteur et pourvoyeur d’opportunités. Cette partie, fortement prégnante, ne voit pas plus loin que cette vie qu’elle feint de croire éternelle et est sans cesse à la recherche d’un conflit mimétique susceptible de conforter un état de prédateur, afin d’éviter de se retrouver dans celui de la proie. Mais le cathare, ou plutôt le découvreur du catharisme entrevoit une autre vérité. Comme dans le film américain, Le Truman show[3], nous sommes dans un univers fabriqué sur mesure pour nous maintenir prisonnier tout en nous laissant croire à notre totale liberté de choix. Une version luxe du labyrinthe d’un rat de laboratoire. La vérité est époustouflante ! Depuis notre naissance tout est faux et ceux qui se laissent prendre à cette illusion sont condamnés à revivre sans fin cet emprisonnement, retardant d’autant la possibilité de retourner à leur origine.
Pour en sortir, il n’y a qu’un moyen : refuser la fiction, en chercher les failles, se convaincre de la manipulation et comprendre où est la réalité de notre Moi profond. Alors, l’éveil viendra nous révéler la voie à suivre pour atteindre notre but.

Où vais-je finir ?

Là où le judéo-chrétien est plutôt pessimiste quant à sa capacité de mériter le paradis, plutôt qu’à se retrouver éternellement en enfer, le cathare est franchement optimiste, même s’il a conscience que son cheminement pour s’évader de ce monde sera long et difficile. En effet, convaincu que Dieu est bon et bienveillant, même s’il espère réussir son passage dès la fin de cette vie, il sait cependant qu’à la fin des temps, toutes les parcelles d’Esprit retourneront au Père et que ce monde, lui, retournera au néant dont il est issu.
Cette différence de vue représente le point fort du catharisme sur toutes les autres religions et philosophies. En effet, pas de crainte d’enfer ou de disparition définitive ; le meilleur est à venir. Le catharisme c’est le pari gagnant, le gros lot garanti. Si la conviction cathare devait s’avérer erronée, le croyant n’aurait rien perdu et subirait le sort tragique des autres hommes, mais si elle s’avère juste, il pourra réussir son passage et retourner à l’empyrée divin dont il a été éloigné. Là où tout un chacun voit dans le catharisme une religion difficile et pessimiste, les cathares ne voient au contraire qu’un choix magnifique et parfaitement heureux.
Le seul problème est d’acquérir en ce monde le savoir nécessaire à la compréhension de la manipulation maligne dont nous sommes les victimes. C’est ce savoir qui va profondément nous perturber au point de provoquer l’éveil de la part spirituelle prisonnière et, une fois cet éveil acquis, il faudra simplement agir en accord avec cette nouvelle certitude. Comme c’est souvent le cas pour les projets importants de notre vie, la réussite avec son émerveillement nécessite des efforts et une persistance dans l’effort qui n’est difficile, voire insurmontable qu’avant de l’avoir entamé.

Guilhem de Carcassonne.

12/03/2023


[1] Voir La Bible dévoilée, Israël Finkelstein et Neil Asher Silbermann

[2] Des choses cachées depuis la fondation du monde, René Girard : recherches avec Jean-Michel Oughourlian et Guy Lefort

[3] Film américain de Peter Weir (1998)

Le corps, l’’âme et l’Esprit

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Le corps, l’’âme et l’Esprit

« Si nous avons une âme, elle est faite de l’amour que nous portons aux autres. » Oblivion (2013).

La grande variété qu’induit la manipulation des concepts aboutit régulièrement à une grande confusion. Le corps, l’âme et l’Esprit en sont une illustration saisissante, au point qu’aujourd’hui un micro-trottoir sur ce sujet donnerait des résultats extravagants.
Je voudrais donc essayer ici de les penser et de les étudier de façon à comprendre ce qu’ils définissent individuellement et de cerner les contours de leurs interactions éventuelles, voire de leurs relations.

Comment appréhender l’« espace » spirituel ?

De tous temps les hommes sont restés ignorants de ce que la notion d’« espace » spirituel pouvait représenter. Pour essayer de le comprendre ils ont alors cédé à la facilité d’en faire une représentation comparable à l’espace mondain.

Mais si les démêlés conjugaux de Zeus et Héra nous ont souvent distrait, si l’idée de cieux organisés en mille-feuille à sept (hebdomade) ou huit (ogdoade) niveaux nous donne une idée du salut comparable à l’escalade d’une montagne enneigée, nous savons au fond de nous que ces idées ne sont absolument pas représentatives de ce qui nous attend après la mort.

Cela démontre à la fois l’extrême pauvreté de l’imagination humaine, qui ne peut concevoir l’extraordinaire qu’en se référant à ses expériences personnelles, et la richesse de l’ouverture que propose l’éveil en matière de compréhension de notre environnement.

Le film dont je cite un des derniers dialogues en début de ce prêche est une représentation de cela. Au départ nous avons deux humains, un homme et une femme, en mission sur terre pour surveiller le bon fonctionnement de stations de pompages destinées à produire de l’énergie pour alimenter la population humaine, exilée sur la lune de Saturne Titan, à la suite d’une apocalypse nucléaire causée par l’attaque d’une entité extraterrestre. En fait les extraterrestres pillent les ressources en eau des planètes qu’ils croisent après avoir éliminé la population indigène. Cela nous dit que ce qui nous est directement et facilement perceptible est une illusion, projetée à nos yeux pour nous rassurer et nous maintenir dociles et confiants.

Pour appréhender l’espace spirituel il faut donc être disposé à abandonner la fausse sécurité de ce que nos sens et notre intellect nous donnent à voir… il faut lâcher prise.

Ce qu’il faut retenir c’est que l’espace spirituel n’est pas un espace au sens où nous l’entendons, puisqu’il ne semble pas avoir de dimensions, du moins comparables aux nôtres, et que ce faisant il n’a pas de localisation à proprement parler. Le royaume de Dieu, le paradis, n’est pas en haut ou en bas, mais il est autour de nous et en nous. Nous verrons plus loin comment nous nous situons par rapport à cet espace spirituel.

Le corps

D’un point de vue général, du moins au regard des religions qui nous intéressent, de la société et de la philosophie, le corps est un élément matériel visible et palpable. Son origine est issue de l’organisation d’éléments atomiques selon les chercheurs mondains et est une création totale ou partielle selon les juifs et les judéo-chrétiens. L’Ancien Testament nous propose en effet deux options pour la création de l’homme : soit une création ex nihilo (Gen. 1, 27) et une autre réalisée à partir de la poussière du sol et par insufflation d’une âme (Gen. 2, 7) sans oublier la fabrication secondaire de la femme à partir de la côte de l’homme, mais sans insufflation d’une âme cette fois (Gen. 2,22).

La première « création » indique que Iahvé fait l’homme et la femme simultanément et à son image. Cela pose des problèmes. Si nous considérons Dieu (Iahvé pour les juifs) comme parfait en toute chose, il est difficile de nous croire à son image. Cette « création » semble n’être que l’œuvre de la volonté toute-puissante de Dieu. Rien d’autre ne semble nécessaire pour rendre l’homme et la femme « opérationnels ».

La seconde création est encore plus problématique. On est là dans une sorte de création artistique, de travail manuel d’un Dieu clairement ouvrier façonnier de son œuvre. En outre, la création de la femme, nettement plus tardive, laisse entendre qu’elle n’a pas eu droit à un souffle divin, d’où l’interrogation qui s’est poursuivie pendant des siècles pour savoir si les femmes étaient dotées d’une âme et pour confirmer que, en tout état de cause, elles ne pouvaient être les égales des hommes puisque crées à la demande d’Adam pour assister l’homme.

Ce qui ressort de tout cela c’est que le corps est un outil destiné à rendre l’homme adapté à son environnement. Si l’on en croit les scientifiques, l’homme est en fait un animal, résultat d’une évolution génétique qui s’est étalée sur plusieurs millions d’années depuis les premières cellules apparues dans l’eau.

Donc, le corps ne semble pas porter en lui le moindre élément susceptible d’être d’origine spirituelle. Mais les cathares médiévaux avaient noté ces différences entre les deux chapitres de la Genèse. Ils en avaient conclu que le premier chapitre traitait de la « création » spirituelle et le second de la création mondaine

L’âme et l’esprit dans le monde matériel

On s’aperçoit qu’en fait le sujet de l’âme et de l’esprit est assez étranger au monde où nous vivons. Ce monde est matérialiste et ses références le sont logiquement aussi.

C’est pourquoi rares sont ceux qui savent trouver les mots pour exprimer ce que serait l’âme et l’esprit d’un point de vue non spirituel. Ou plutôt leur définition se superpose et s’approche de l’idée d’une essence primordiale. L’âme serait en quelque sorte l’élément princeps de la matière et l’esprit en serait le concept abstrait. Mais dans le même temps l’âme conserve une sorte de préciosité qui fait que beaucoup répugnent à accepter d’en doter des objets sans vie, y compris parmi les plus rationalistes et athées : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? » (Alphonse de Lamartine « Milly ou la terre natale »).

En fait, comme le fait entendre le poète, la dotation d’une âme à la matière serait surtout un comportement réflexif visant à expliquer les élans émotionnels de la nôtre.

Dans cette approche l’âme serait donc l’apanage des éléments animés — le mot n’est pas anodin — et cependant, même sous cet angle, l’attribution de l’âme semble être dépendante du degré de comparaison que nous attribuons à ces éléments animés. L’âme du ver de terre nous pose question quand celle de notre animal de compagnie nous paraît évidente.

L’âme chez les philosophes et les croyants

On trouve à peu près autant de définitions que de théories philosophiques ou religieuses.

Chez les philosophes antiques l’âme serait l’élément animateur du corps, intimement liée à ce dernier et souvent assimilée au sang. L’âme meurt donc en même temps que le corps.

Chez les judéo-chrétiens l’âme est le souffle divin insufflé dans la matière inerte par Dieu lors de la création mais cependant liée à ce corps qu’elle anime au point qu’à la mort de ce dernier elle demeure “veuve” de ce dernier jusqu’à la fin des temps où le corps sera recomposé ou glorifié selon les cas et l’âme lui sera de nouveau associée. Cette idée initiale est remplacée aujourd’hui par le concept d’une âme créée par Dieu à chaque conception.

Pour nous, croyants cathares, il y a deux âmes. C’est du moins ainsi que nos prédécesseurs médiévaux imaginaient un composé tripartite spirituel qui était le pendant du composé tripartite mondain : esprit, âme et corps.

Ainsi, lors de la chute des âmes — également appelée grande perturbation —, c’est l’âme spirituelle qui est entraînée (ou qui suit volontairement selon les cas) par le démiurge qui l’incorpore dans le corps mondain où se trouve déjà l’âme mondaine, animatrice de ce dernier. Dans cette nouvelle situation l’âme spirituelle devient l’esprit-saint prisonnier de ce monde. Sur le plan spirituel, le corps spirituel n’est pas affecté et l’esprit spirituel est resté fermement ancré dans la création divine dans l’attente du retour de l’âme spirituelle qui signera le mariage mystique.

Comme nous le voyons, chez les cathares âme et esprits sont étroitement liés, quel que soit le plan dans lequel on les imagine. C’est d’ailleurs le sujet principal de l’histoire de la tête d’âne que racontaient les cathares médiévaux et que j’ai traité sur le site et dans mon livre.

Chez les philosophes et les judéo-chrétiens, l’esprit ne semble pas directement lié à l’âme. Il est le plus souvent considéré comme une sorte d’inspiration supérieure, divine à l’occasion, voire comme une forme d’interventionnisme divin dans le plan mondain.

Les cathares, eux, firent appel à la philosophie, et notamment à Aristote, pour expliquer la cosmogonie initiale. Le concept de « Principe » présente le double intérêt de définir clairement la position de l’élément de référence sans tomber dans l’anthropomorphisme. Dieu n’a pas à être défini avec des qualités humaines et il n’a pas à être doté d’éléments qui se rapporteraient forcément à une anatomie humaine. Il en va de même du Mal.

Une fois réglé le problème du Principe se pose le problème créationniste. Si dans un système désincarné il est assez simple de concevoir l’idée de consubstantialité, c’est plus compliqué de l’appliquer à une création matérielle. C’est pourquoi les théories créationnistes attachées à la mise en œuvre de ce monde tombent toutes dans l’imagerie naïve d’un Dieu bricoleur constituant ses créatures par accumulation d’éléments.

Les cathares ne furent pas plus efficaces de ce point de vue car, si leur concept initial était assez intelligent, dès qu’ils se sont attaqués à la création — aussi bien spirituelle que mondaine —, ils sont tombés dans ce travers anthropomorphique.

Du coup il devenait nécessaire de doter la création spirituelle d’un statut corporel comparable à celui que l’on imaginait ici-bas.

C’est sur cette dérive que reposent entièrement les propositions concernant la chute des âmes et l’incarnation.

Les problèmes des conceptions anthropomorphiques

La lecture des différentes versions de la chute montrent nombre d’incohérences ou laissent dans l’ombre des points essentiels.

D’abord il y a hésitation pour savoir si la chute intéresse un tiers des créatures divines ou la tierce partie de toutes les créatures divines. Ce point révèle une faille majeure qui est celle de la compréhension de l’interaction entre le Mal et le Bien.

Dans un système ordonné et clair comme la création divine par émanation consubstantielle, l’apparition du Mal crée un trouble ingérable. Qu’il existe un Principe du Mal comme il existe un Principe du Bien peut s’imaginer à la rigueur. Il devient même nécessaire à la vue des conséquences et c’est ce qu’explique bien Jean de Lugio dans son Livre des deux Principes. En fait c’est la notion d’Être qui permet de différencier le Bien du Mal. Déjà nous observons là un glissement sensible entre la conception judéo-chrétienne des attributs divins qui place le pouvoir de création en première position, alors que le système cathare y met l’Être.

Jean de Lugio avait déjà fortement entamé le caractère divin de la création et la science d’aujourd’hui menace de le mettre définitivement à bas quand on voit à quel point les scientifiques approchent de cette compétence créatrice qui devrait être surmontée dans quelques années.

Si nous en restons à l’approche cathare, une fois admis que seul Dieu — ou plutôt le Principe du Bien — dispose de l’essence divine que représente l’Être, et que c’est grâce à cela qu’il peut laisser émaner de son Être une « création » disposant du même attribut que lui et ce de toute éternité, se pose la question du Mal. Question insoluble quant à l’origine du Mal puisqu’il est aussi un Principe mais plus facile à comprendre concernant son incapacité à créer quoi que ce soit de durable. L’absence d’Être est son handicap, d’où sa mise en avant dans le Prologue (chapitre premier) de l’Évangile selon Jean.

Mais alors, comment le Mal va-t-il s’y prendre pour concevoir ce monde où nous vivons et qui semble bien réel pourtant ?

Les écrits nous montrent que les hommes n’ont jamais su ou pu se dégager d’une approche plus ou moins anthropomorphique mettant en œuvre des sentiments, des modifications caractérielles, des actions visant à séduire et à combattre avant de provoquer des séparations de type physique.

Il va sans dire que cela n’est pas très satisfaisant.

Comment le Mal fait-il pour séduire des entités divines forcément parfaites, donc inaltérables ? Si le Mal n’a pas la capacité de produire une création durable, faute d’Être, comment peut-il créer des esprits démoniaques dépourvus d’âme divine comme certains auteurs le pensaient ? S’il peut le faire pourquoi a-t-il besoin de dérober des âmes divines ?

Si le Bien ne s’oppose pas au Mal, pourquoi ce dernier n’a-t-il dérobé qu’une partie de la création divine ?

Pourquoi ce vol ne se serait-il produit qu’une fois et pourquoi devrait-il cesser un jour ?

Comme nous le voyons les problèmes relatifs à la création, à la chute et à l’incarnation sont légion. Du coup la réalité de l’âme et de l’esprit l’est tout autant.

Mais peut-être que l’on peut essayer de réfléchir autrement.

L’Esprit, les esprits-saints et l’empyrée divin

Tout d’abord je serais tenté de refuser toute division au sein de l’empirée divin. Le Principe du Bien est un et indivisible, donc je considère que son émanation est à son image. Nous sommes des éléments non séparés d’un tout unique. Ce concept apparemment contradictoire et abscons s’explique mieux si on l’image avec la parabole du soleil. Le Principe est le soleil et nous sommes ses rayons, à la fois apparemment séparés de lui et en même temps totalement et intimement liés à lui. Nous émanons de lui et nous nous étendons à de grandes distances sans jamais nous séparer, ni de lui, ni des autres rayons. L’Être est donc symbolisé par les réactions thermonucléaires et le Mal par l’espace froid qui l’entoure.

Or cet espace n’est pas vide. Mais son contenu n’a aucune capacité à évoluer sans l’action solaire.

La vie serait donc en quelque sorte la conséquence de la captation de la chaleur solaire comme cet univers serait la conséquence de la captation de l’Être émanant de la création divine. Mais si la chaleur se retire, la vie disparaît aussi et ne reste que des éléments froids et inertes comme on peut imaginer que si l’Être se retire, la création maléfique redeviendra ce néant qu’elle était à son origine.

Donc nous avons dans cette hypothèse une certaine cohérence qui permet de comprendre comment l’âme spirituelle (expression de l’Être) devient dans ce monde l’esprit-saint (vie spirituelle).

De la même façon nous pouvons imaginer qu’une certaine forme de création maléfique ait pu préexister à la création mondaine et puisse demeurer après la fin de ce monde. Il est même possible d’imaginer qu’il y ait un mélange — et non une osmose —, entre la part spirituelle et la part maléfique en chacun de ceux qui sont habité par l’âme divine, mais cela est-il possible pour ceux qui ne le seraient pas ?

Cela est aussi intéressant pour imaginer les interactions entre les esprits affaiblis et les âmes divines auxquelles ils restent liés dans l’Esprit unique. C’est ainsi que je conçois la grâce divine, une sorte d’intervention de l’ensemble de l’unité Principe du Bien et création divine qui rend à la partie éloignée la capacité à demeurer ferme dans sa nature. Et quand le rayon retourne à son origine, l’élément maléfique sur lequel il appliquait son action vivificatrice revient à son étant antérieur néantisé.

Si l’on peut comprendre le changement de dénomination entre Esprit et esprit-saint, simplement lié à un changement de situation, il faut aussi comprendre que cela n’est qu’une facilité de langage.

L’Esprit est unique et uniforme. Il n’y a pas en lui de division ni de sous-unités spirituelles. Quand une partie de l’Esprit fut incorporée dans la création maligne, l’Esprit n’a pas été séparé, mais simplement déplacé partiellement, comme on le voit dans le film Abbyss®, où l’entité extraterrestre se « matérialise » en modifiant la structure de l’eau pour lui donner une apparence humaine. Les esprits-saints sont donc une forme d’extension de l’Esprit hors de son espace naturel, sans modification de structure (il n’en a pas) ni de substance (elle est inaltérable). C’est pour cela qu’une fois révélé au sein de la matière, il peut revenir à son étant initial pour peu que ce qui le retient le libère. Mais cela ne peut se faire que si cette « extension » temporaire a retrouvé la conscience de son état. Dans le cas contraire ce qui le contraint peut le manipuler sans pour autant le modifier. J’image souvent cela en comparant l’Esprit unique à un réservoir rempli d’eau. Si l’on introduit des séparations étanches on divise l’eau de façon apparente, mais le retrait des cloisons suffit à lui rendre son unité naturelle.

C’est la leçon que nous enseigne le catharisme. L’esprit-saint prisonnier doit s’éveiller dans la matière et y demeurer éveillé jusqu’à l’instant où la matière le libèrera de sa prison et où il pourra revenir à son état initial. Pour s’éveiller il doit acquérir la connaissance de son état de prisonnier de la matière, ce qu’il ne peut faire que par l’acquisition d’un savoir de l’organisation des principes et de la vraie nature du monde qui nous est cachée.

La réflexion sur les éléments qui nous sont inconnus s’appuie sur une imagerie forcément inexacte, mais comme en géométrie, point n’est besoin que l’image soit juste pour que la réflexion le soit. Cette réflexion est un élément d’un savoir dont l’accumulation mènera à l’acquisition de la connaissance précise de ce qui est vrai et de ce qui est mensonger. Cela permettra l’éveil dont l’approfondissement conduira à vouloir maintenir l’état d’éveillé par le retrait, le plus complet possible, de la vie mondaine afin d’être disposé au mieux le moment venu pour retourner à notre source que nous n’avons jamais vraiment quittée.

Guilhem de Carcassonne.
Le 19/02/2023

La vérité historique : Christ et Jésus

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La vérité historique : Christ et Jésus

Nous ressentons le besoin viscéral d’être assurés connaître toute la vérité sur tous les sujets. Cela en arrive même au point que, de nos jours, la remise en question de toute information — y compris quand elle est confirmée par les spécialistes du sujet —, est devenue un sport planétaire. Nous oscillons entre la peur de la manipulation et l’envie de disposer d’une information indiscutable.
L’homme est-il allé sur la Lune ? La terre est-elle ronde ou plate ? Fut-elle le fruit d’une évolution naturelle de type darwinien ou a-t-elle été créée en sept jours ?

Aujourd’hui je vais essayer d’ouvrir avec vous un dossier beaucoup plus épineux sans prétendre vous proposer une réponse univoque et encore moins vous faire adopter mon avis.

La vérité historique

Samuel Noah Kramer titre son ouvrage : « L’histoire commence à Sumer ».
La justification de cette affirmation tient au fait que cette science humaine permet de fixer la mémoire, d’un peuple, d’un pays, d’un continent, etc. Or, Sumer étant, en l’état actuel de nos connaissances, la région où est apparue la première forme d’écriture (vers – 3300), qui évoluera vers l’écriture cunéiforme, elle devient logiquement le premier lieu où les événements furent « fixés » par ce nouveau moyen de transmission de la mémoire.

La vérité historique repose donc sur deux éléments qui la définissent sans garantir en aucune façon l’authenticité de ce qu’ils affirment : l’honnêteté du récit qui est liée à la subjectivité de celui qui le raconte et l’existence d’un moyen de transmission fixe, l’écriture.

La fiabilité des sources

La fiabilité des sources est d’autant plus douteuse que l’un de ces deux éléments peut être pris en défaut. Les Romains comme les juifs, considéraient qu’un témoignage unique était sans valeur (testis unus testis nullus), ce qui nécessitait donc deux témoignages concordants pour avoir valeur de preuve. Donc, si un fait est relaté par un témoin unique, sa fiabilité est forcément douteuse, sans que cela soit un jugement de valeur sur le témoin. Pendant des siècles, nous avons eu des Gaulois l’image que nous en transmis par écrit un seul témoin Jules César, dans son ouvrage : La guerre des Gaules. Nous savons aujourd’hui, grâce à d’autres axes de recherche, que ce témoignage n’est pas fiable. De même, les sources orales ont toujours fait l’objet d’adaptations au fil du temps, ce qui leur ôte toute fiabilité.

Le concept de vérité historique

L’histoire est écrite par les vainqueurs. Cette affirmation de Robert Brasillach dans son livre Frères ennemis, pose en fait la volonté que l’histoire soit le ciment d’une nation et qu’elle doive donc proposer un récit univoque pour souder des peuples après des troubles. Mais, les vaincus ont leur propre histoire et la conservent sous différentes formes dans le but de ne pas laisser s’éteindre leur vérité historique.
La vérité historique se heurte souvent à des contradictions issues d’autres sciences, comme ce fut le cas de l’archéologie pour le récit de la Torah ou de la philologie pour l’attribution du contenu de certains documents écrits, comme les Lettres de Paul par exemple.
Ainsi, les peuples dominants ont souvent falsifié, de manière intentionnelle ou culturelle, le récit qu’ils ont retranscrit pour orienter l’image qu’ils voulaient donner des événements. Les juifs ont inventé une antériorité de leur histoire d’environ six siècles (- 1200 ans au lieu de – 600 ans), car l’ancienneté d’un récit renforçait sa validité. Aujourd’hui, la tendance s’est quasiment inversée. Il en va de même du christianisme qui est devenu l’histoire du groupe judéo-chrétien, institué comme groupe chrétien de référence par Théodose 1er et doté d’un droit de répression qui lui a permis de réduire, voire de détruire les groupes dissidents, généralement pagano-chrétiens. Ainsi, plus rien ne s’opposait à ce que leur vérité devienne la vérité de toute la chrétienté.

Le récit historique

Si l’utilisation de l’histoire est si importante pour un peuple c’est qu’elle permet de créer une cohésion basée sur des événements, réels ou fictifs, qui servent de socle à l’établissement d’un récit national. Or nous savons comment la référence nationale est toujours un ciment puissant pour les peuples en leur permettant de reconnaître ses membres et d’en exclure les autres. Cela fonctionne aussi dans la plupart des religions. Malheureusement, comme nous le voyons aujourd’hui, c’est aussi l’occasion de violences qui visent à imposer un état de fait qui ne s’appuie que sur ce récit historique, comme c’est le cas en Palestine ou en Ukraine.

La vérité historique doit donc rester à l’état de concept pour le chercheur, même si ses convictions personnelles le poussent à vouloir valider tel récit historique qui correspond à sa culture.

L’histoire chrétienne et Jésus

La situation du christianisme au premier siècle

Le proto-christianisme s’est développé dans une région où deux religions coexistaient : le judaïsme hébreu et le mithraïsme romain. Les populations concernées étaient juives et le judaïsme était composé de nombreux courants de pensée appelés sectes : pharisiens, saducéens, zélotes, esséniens, etc. L’apparition de ce nouveau courant, qui ne rejetait rien du judaïsme traditionnel n’a donc pas provoqué de choc culturel susceptible de justifier des écrits clairs et concordants, du moins jusqu’à ce qu’il devienne gênant et justifie des rétorsions. Du point de vue romain, une secte juive de plus ou de moins était sans intérêt.
On retrouve ce schéma avec le catharisme en Languedoc : tant qu’il est resté dans la discrétion de la vie quotidienne personne n’en parlait et il fallut attendre le 13e siècle pour qu’il apparaisse dans les textes, alors qu’il existait dans les écrits d’autres régions (Bulgarie, Cologne, Champagne, Orléanais, etc.) depuis un siècle, puisqu’il y a fait l’objet de répressions.
Le christianisme présente en outre la particularité d’être une religion dont les courants internes n’ont jamais cessé d’être en conflit pour s’imposer comme seule référence globale. Comme je l’ai expliqué dans mon livre[1], un premier schisme s’est produit en 49 quand Paul s’est insurgé de la volonté des représentants (colonnes) de Jérusalem d’imposer le strict respect des règles juives aux prétendants se réclamant de Christ. De ce schisme sont apparus deux groupes, le premier soumis au judaïsme (juifs-chrétiens puis judéo-chrétiens) et le second affranchi de tout lien avec le judaïsme (pagano-chrétiens). Bien entendu, ces termes ne furent employés qu’après l’attribution du sobriquet « chrétiens » aux marcionites d’Éphèse au début du 2e siècle[2].

Le personnage de Jésus

La tradition orale judéo-chrétienne était initialement centrée sur la Passion, incluant la crucifixion et la résurrection. S’adressant à des populations juives pour la plupart, bercées de récits fantastiques issus de la Torah, il se devait d’être au moins aussi merveilleux, d’autant qu’il évoquait un personnage falot, sans pouvoir et éliminé de la façon la plus misérable qui soit. Cela était bien éloigné du récit juif du Messie guerrier qui viendrait un jour délivrer son peuple prisonnier des ennemis de Iahvé ancré dans l’imaginaire juif.
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le récit de la mort et de la résurrection soient empreints d’éléments extraordinaires. Sans oublier qu’à l’époque personne n’imaginait que deux millénaires plus tard des chercheurs disséqueraient ces textes pour y séparer la réalité des fantasmes.

Les hypothèses sur le Jésus historique

Si l’on prend au pied de la lettre le récit issu des évangiles synoptiques de Matthieu et de Luc, la conception, la naissance et la reconnaissance de Jésus comportent plusieurs éléments fantastiques plus proche des récits mythologiques grecs, romains et sumériens que de la réalité commune de l’époque. Tout y est assemblé de façon à faire de ce Jésus, un moins que rien, né dans les pires conditions d’une mère réprouvée puisque fille-mère. Cela est contrebalancé par les signes divins et l’affirmation de la virginité de Marie, nullement affectée par la naissance de Jésus !
Cet individu va se faire remarquer dans les textes jusqu’à son douzième anniversaire où il surprend les maîtres juifs du temple de Jérusalem, avant de disparaître sans laisser de trace pendant dix-huit ans. Certains ont bien essayé de combler ce vide gênant en inventant un voyage en Égypte ou un long séjour auprès des sectes juives des esséniens ou des thérapeutes. En fait, cette enfance semble très peu crédible, ce qui explique peut-être que deux des quatre évangélistes se soient abstenus d’en parler.
La vie adulte de Jésus, consacrée à sa prédication, dure de un à trois ans selon les auteurs qui la relatent, ce qui est un nouveau problème pour sa validité. Elle est l’occasion d’événements plus ou moins merveilleux qui peuvent être passés inaperçus pour les guérisons, mais dont on ne peut comprendre qu’ils n’aient laissé aucune trace pour les résurrections. Ajoutons les apparitions et disparitions de Jésus d’assemblées comptant des juifs opposants, les événements suivant la mort de Jésus en croix (atteintes du temple, résurrection des morts sortant des cimetières, etc.), sans parler de la résurrection qui aurait dû provoquer des rapports écrits des autorités juives et romaines. En fait le seul témoignage écrit concernant l’existence physique de Jésus vient du général juif Flavius Josèphe[3]. Mais ce document est largement considéré, soit comme une forgerie, soit comme une interpolation d’un scribe judéo-chrétien.
Donc, rien dans l’existence physique d’un Jésus historique n’est vérifiable, de très nombreuses incohérences émaillent son histoire et sa mort est elle-même plus proche d’une forme de mythologie chrétienne que d’autre chose. Je vous invite à lire l’ouvrage de Jacques Giri : Les nouvelles hypothèses sur les origines du christianisme, aux éditions Karthala (4eédition à Paris en 2011) qui fait le point de façon exhaustive sur tous ces éléments douteux.
L’hypothèse la plus réaliste sur l’origine de ce texte est celle d’une forgerie du 2e siècle, réalisée en opposition à Marcion de Sinope, dans son Evangelion, qui faisait de Jésus un être apparu miraculeusement à l’âge adulte (cf. Évangile selon Luc chap. 3).

Les hypothèses sur le Jésus mythique

Face aux incohérences et aux manipulations visant à donner un caractère historique à Jésus, de nombreuses voix se sont élevées pour faire de Jésus un personnage mythique destiné à porter la crédibilité du christianisme.
On pourrait les regrouper en trois catégories :
1 – Jésus est un homme dont l’attitude a justifié son élévation par Dieu (adoptianisme).
2 – Jésus est un homme ayant reçu l’inspiration divine et qui l’a reprise à son compte, se faisant passer ou étant assimilé au messager divin.
3 – Jésus est un personnage inventé ou calqué sur un personnage historique antérieur à la période considérée qui a servi de support à la prédication judéo-chrétienne.
Ce qui explique l’hypothèse d’un Jésus mythique, outre les nombreuses incohérences de son histoire figurant dans les textes judéo-chrétiens comme le Nouveau Testament, est le fait que Paul indique avoir été l’objet d’une inspiration divine sur le chemin de Damas qui va provoquer son éveil spirituel et sa conversion, suivis d’un baptême par imposition des mains, reçu d’Ananias, responsable de la communauté pagano-chrétienne de cette ville.
Donc, si Paul a pu recevoir le message de Christ sans jamais connaître Jésus et sans aucun intermédiaire, pourquoi les premiers disciples auraient-ils eu besoin d’un Jésus en chair et en os pour si mal comprendre le même message ?
Mais dire à l’époque que Jésus était un mythe conduisait sans aucun doute à la mort. C’est pourquoi apparut le concept d’adombration, c’est-à-dire d’apparition dans l’ombre d’autre chose, qui permettait de laisser croire à une apparence charnelle sans pour autant qu’elle existe. Nous qui voyons quotidiennement des illusionnistes réaliser des tours encore plus extraordinaires pouvons comprendre qu’une apparition divine ait pu facilement berner les hommes de l’époque.

Aujourd’hui, je préfère imaginer une inspiration divine à la façon de Paul, avec par ailleurs une construction mythique autour du message reçu ; car ce qui compte c’est le message et en aucun cas le messager.

Le Christ et Jésus de nos jours

Maintenant que les hommes sont suffisamment éduqués pour comprendre des concepts simples, il faut choisir des hypothèses réalistes plutôt que de céder à des fantasmes incohérents.
Imaginer un Jésus en chair et en os ou une apparition d’apparence humaine présente des inconvénients équivalents. Dans le premier cas, comment expliquer les phénomènes où la matière semble disparaître opportunément au profit d’une entité immatérielle, comme lorsqu’il échappe aux juifs en traversant les murs et les portes de lieux clos ? Dans le second cas, comment justifier qu’une entité immatérielle mange avec les disciples ? Comment expliquer la nécessité d’une forme apparente pour les disciples et pas pour Paul ?

Personnellement, l’hypothèse qui me convient le mieux — dans le champ cosmogonique cathare —, est celle d’une inspiration divine qui s’est manifesté chez une ou plusieurs personnes qui l’ont enjolivée d’une identité mondaine ou qui l’ont endossée à titre personnel, un peu comme fit Manès en son temps qui se prétendait nouveau Jésus. Paul n’a pas jugé utile d’user de tels artifices et a laissé les disciples à leurs choix, ce qui explique qu’il ai mis trois ans avant de revenir à Jérusalem où il n’en a rencontré que deux d’entre eux.
Par contre, je crois en la réalité d’un envoyé divin que j’appelle Christ qui fut porteur du message de Bienveillance et qui nous a laissé aux bons soins du Saint-Esprit paraclet pour nous guider vers notre salut.

Guilhem de Carcassonne.

Le 11 décembre 2022


[1] Catharisme d’aujourd’hui, Éric Delmas, éditions Catharisme d’aujourd’hui (2014-2015).

[2] Orthodoxie et hérésies aux début du christianisme, Walter Bauer, éditions du Cerf en 2009 (première édition en allemand en 1934).

[3] Antiquité juives, Livre 18, 63-64.

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