La justice, la vengeance, etc.

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La justice, la vengeance, etc.

La justice et la vengeance ne sont pas des termes courants en catharisme qui préfère mettre en avant la Bienveillance. Pour autant, comme nous vivons dans ce monde, il semble utile de s’y intéresser afin de voir ce qu’ils recouvrent et comment ils sont compris et utilisés.

Dans la mythologie grecque, la déesse associée à la justice est Thémis, déesse de la justice de la loi et de l’équité est la fille d’Ouranos et de Gaia, ce qui fait d’elle la tante de Zeus. Elle serait aussi la mère de Prométhée qui offrit le feu aux hommes. Celle qui est associée à la vengeance est Némésis que Zeus aurait séduite par ruse en se transformant en cygne quand elle-même se cachait sous l’apparence d’une oie sauvage. De cette union forcée serait née Hélène, future femme de Pâris, fils de Priam le roi de Troie et cause de la guerre entre les cités grecques et cette ville que nous relate Homère dans l’Iliade.

La justice

Il est difficile de définir la justice, car elle dépend de paramètres variables : la loi, l’équité, etc. qui changent selon les peuples et les époques. Mais de nos jours, la justice est bien plus qu’un concept. C’est aussi un outil social qui vise à maintenir la cohésion sociale en empêchant chacun d’appliquer ses propres règles.

Le problème de la justice de nos jours est de maintenir le sentiment d’équité au sein de la population qui passe son temps à modifier les équilibres de façon à mettre en avant certains éléments, quitte à leur accorder plus d’importance qu’à d’autres, ce qui constitue de fait une rupture d’équité. Ainsi, la justice vise à faire appliquer la loi qui définit ce qui est autorisé et ce qui est interdit, de façon directement exprimée ou de façon tacite, de manière à éviter que certains individus ne créent des ruptures d’équité.

Qu’est-ce que l’équité ?

Naturellement l’équité est censée être une situation d’équilibre entre les individus qui leur garantit un traitement impartial et égalitaire. Mais, face au constat que notre société développe des attitudes discriminatoires, l’équité est aussi considérée comme une rupture volontaire de cet équilibre envers les personnes discriminées, afin de leur offrir une sorte de compensation. Dès lors qu’une discrimination est identifiée : ethnique, sexuelle, religieuse, sociale, sanitaire, etc. la justice la reconnaît et adapte son appréciation des dommages infligés à ces individus pour leur accorder une meilleure compensation qu’elle ne l’aurait fait s’ils n’appartenaient pas à une catégorie discriminée.

Donc, l’équité est une volonté de la justice qui ne peut être atteinte qu’en essayant de modifier l’appréciation faite des individus au risque d’introduire volontairement une iniquité calculée. L’équité est donc une sorte de vœu pieux impossible à atteindre en ce moment pétri d’iniquité.

Qu’est-ce que la loi ?

La loi est une règle établie par une autorité souveraine de façon à organiser la vie des membres qu’elle a la charge d’administrer. Pour que cette loi puisse être considérée comme relevant de la justice, elle doit veiller à l’équité entre ses administrés. La loi ne prend pas en compte les individus, mais ne s’occupe que de l’ensemble de la population, voire à la rigueur, certains groupes sociaux.

Mais la loi ne s’occupe pas forcément de justice. Elle fixe des règles par lesquelles elle exprime des choix — qui seront mis en avant dans les décisions de justice —, comme étant forcément estimés justes et équitables. Malheureusement, la loi ne parvient jamais à faire rimer obligations et équité. Dans les démocraties, ce sont les représentants désignés par le peuple qui définissent les lois. La loi fixe également les sanctions applicables à ceux qui ne respectent pas les lois et les compensations destinées à ceux qu’un non-respect de la loi aurait lésés.

Les défauts de la justice

Ce qui pose problème avec la justice c’est qu’elle ne parvient pas à créer et à maintenir l’équilibre, c’est-à-dire l’équité entre les personnes qu’elle prétend concerner. En effet, comme dans tout système dit en équilibre, elle doit compenser les troubles qui se produisent obligatoirement afin de rétablir un semblant d’équité.

La préoccupation naturelle de la justice devrait donc se limiter à éviter les problèmes quand on peut les anticiper et à en compenser les conséquences pour les victimes quand il n’a pas été possible de les éviter. Cela s’appelle la prévention et la réparation.

Nous voyons bien que cela n’est quasiment pas réalisé dans nos sociétés forcément injustes puisque peuplées d’individus qui ne conçoivent l’équité qu’en fonction de leurs intérêts personnels.

La vengeance

Quand la justice ne peut pas fonctionner la société se rabat sur la vengeance pour donner un sentiment de justice aux victimes. Le cas le mieux connu est celui du code d’Hammurabi, stèle de basalte rédigée par le roi de Babylone (vers 1750 ans avant e. c.) qui fixe une condamnation basée sur les dégâts constatés, appelée loi du talion.

En quoi notre société moderne a-t-elle évoluée par rapport à la loi du talion ? Aujourd’hui on ne crève pas l’œil de celui qui a éborgné son voisin et on ne tue plus celui qui a tué. La règle est la compensation, souvent financière, du préjudice infligé et l’exclusion sociale par l’emprisonnement quand l’infraction est jugée de nature à mettre la société en danger. Mais quand la compensation n’est pas possible. Bizarrement, quand la victime ne peut plus être indemnisée des dommages qui lui ont été infligés, c’est la société qui prétend s’en arroger le bénéfice, voire les ayants droit de la victime. En quoi est-ce juste ? Cela relève plus de la vengeance que de la justice. Au Moyen Âge l’Inquisition condamnait les personnes suspectes de soutien au catharisme à effectuer des pèlerinages dans des lieux saints catholiques, non pas pour compenser qui que ce soit, mais pour ruiner les condamnés en raison des frais fort élevés qu’occasionnaient ces voyages.

La vengeance se place au niveau du plan de conscience de celui qui se considère comme lésé, mais pas forcément dans l’intérêt de justice de la société. L’exemple le plus évident est le désir de voir un délinquant passer en procès et être condamné, même si cela n’aura aucun effet, ni pour lui ni pour sa victime, notamment si elle est morte. On retrouve ici le concept de victime émissaire qui permet au groupe de mettre un terme au conflit mimétique causé par l’infraction commise. Quand un délinquant agit en raison d’une maladie psychiatrique qui le prive de discernement, le juger et le condamner officiellement n’aura aucun effet sur lui, voire sur sa victime si elle est morte. Mais, régulièrement, la population s’insurge que la loi a prévu de ne pas juger les « fous ». C’est donc bien la société qui réclame vengeance au lieu de rechercher la justice qui voudrait que pour rétablir l’équité on cherche des moyens de prévention de nature à empêcher la réédition d’un tel acte. C’est à la fois l’expression d’un désir primal et le constat d’échec de notre système sociétal.

Tenter de remettre de l’équilibre dans le monde

En fait, ce qui est régulièrement visible dans notre société, c’est le besoin que nous ressentons à formaliser nos souffrances et à mettre en œuvre des mesures compensatrices, y compris si elles sont totalement dénuées de sens. Cela est vrai lorsqu’un proche décède et que nous organisons ses funérailles. Le défunt n’en a rien à faire, mais ce sont les proches et parfois la société qui en ont besoin. En matière de justice les choses sont comparables. Quand la victime est décédée la compensation n’est plus possible, mais la société réclame vengeance et la peine vise à stigmatiser le coupable au-delà du temps d’exclusion qui lui est imposé. Le concept d’avoir payé sa dette à la société est purement verbal. En réalité, la société crée une discrimination volontaire envers le coupable qui a pour objet de lui rendre le reste de sa vie plus difficile qu’elle ne l’est pour les autres.

Pourquoi un tel choix ? La raison en est simple ; dans ce monde où le Mal domine, la société ne sait comment faire pour établir l’équité et la loi.

La prévention

Pour maintenir l’équité, la prévention est sans doute le meilleur outil. En supprimant les causes d’inégalité entre les membres d’une même communauté, on évite l’apparition du désir mimétique et donc les germes du conflit à venir. Mais les causes d’inégalité sont nombreuses et variées. Cela concerne le statut social, les capacités de réalisation de vie (sociale, familiale, professionnelle), l’état de santé, sans oublier le stress lié à une mémoire affectée (injustices ethniques, religieuses, etc.).

Cela confine à l’impossible dans un monde où l’esprit d’appartenance égalitaire n’est pas génétiquement acquis. C’est pour cela que la loi prévoit des compensations préalables au jugement en créant des discriminations positives vis-à-vis des victimes d’infractions ayant eu pour motivation un état d’inégalité. Mais ces compensations ne règlent pas la situation d’inégalité, surtout que celle-ci évolue d’une personne à une autre selon les lieux et les époques.

La compensation

La compensation est elle aussi impossible à assurer, car la plupart du temps, le sentiment de préjudice va varier d’une personne à une autre. En outre, quand la victime n’est plus là pour réclamer la compensation de son dol, la société l’exige néanmoins pour se rassurer sur son idée de la justice.

En outre la compensation est difficile quand le préjudice ne peut être compensé. La perte d’un œil ne se chiffre pas normalement. La perte de chance non plus ; ce qui est perdu ne peut être récupéré.

La justice ne semble pas possible en ce monde et c’est sans doute pour cela que sa représentation symbolique met en avant les trois éléments qui la caractérisent :

  • La balance où elle devrait mettre en équilibre le monde pour viser à l’équité ;
  • Le bandeau qui l’aveugle et qui montre son impuissance à faire son office ;
  • L’épée qui lui sert à exercer la vengeance faute d’avoir pu éviter les crimes.

Cet aveu d’impuissance devrait nous rendre modestes et humbles quand nous nous laissons aller à réclamer justice, c’est-à-dire en fait vengeance, en oubliant combien nous sommes tous des délinquants quotidiens dans presque tous les actes de notre vie.

Et le catharisme dans tout cela ?

Pour les cathares, la justice n’est qu’un pis-aller visant à limiter partiellement les méfaits de ce monde malin. C’est aussi un outil de gouvernance et c’est pour cela qu’ils suivent Marcion de Sinope qui définit le démiurge comme un dieu juste par opposition au principe du Bien qu’ils appellent le Dieu bon.

Forcément, s’ils veillent à ne pas s’opposer aux obligations légales qui leur sont soumises, ils ne comptent en aucune façon sur la justice pour les aider dans leur cheminement. Bien au contraire, c’est souvent au nom de la justice qu’ils savent être pourchassés et tués.

Aujourd’hui, nous respectons les lois de ce monde tant que nous y sommes maintenus, à l’exception de situations particulières qui pourraient nous obliger à trahir nos fondamentaux doctrinaux, comme la participation à des actions violentes. Nous n’attendons rien de ce monde, car nous ne recherchons pas la justice. Ce que nous recherchons c’est la Bienveillance et le salut.

La justice de ce monde ne saurait donc nous concerner en rien.

Guilhem de Carcassonne le 26 avril 2021

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